abc

Bien transmettre des émotions au lecteur : ce qu’il faut savoir

jeune femme qui exprime 25 émotions

Écrit par Éléonore

13 avril 2020

Savez-vous quelles sont les 6 émotions de base ?
Vous avez du mal à retranscrire les émotions dans vos écrits ?
Vous avez peur que votre roman ne réussisse pas à susciter des émotions fortes et qui marquent votre lecteur ?
Vous vous demandez comment améliorer vos scènes pour qu’elles soient fortes en émotions ?

Comme le reste, ça s’apprend !

Je remercie Aude, qui fait partie de mes contacts privilégiés, de m’avoir posé cette question… difficile : comment transmettre les émotions du personnage au lecteur ? (Si vous aussi vous souhaitez me poser des questions qui deviendront peut-être des articles, inscrivez-vous en bas de la page????????)

Pour y répondre, je suis retournée mettre mon nez dans les manuels d’écriture créative et grâce à Yves Lavandier et à son livre La dramaturgie que je recommande vivement, voici une tentative de réponse.

 

La base : le conflit

Pour commencer, revenons à l’élément de base pour écrire une bonne histoire : le conflit. Et plus précisément, sa perspective, le conflit en lui-même et sa résolution, qui sont autant de sources d’émotions.

Précisons que le conflit n’est pas ici à prendre dans le sens de « bagarre ».

Voici la définition de conflit pour Yves Lavandier (p33) :

« Nous entendrons par “conflit”, tout type de situation ou de sentiment conflictuels. Ce peuvent être des luttes, des épreuves, des difficultés, des problèmes divers, comme des dangers, des échecs, des malheurs ou de la misère. Le conflit produit sur les individus qui le vivent des sensations (aspect physiologique) ou des sentiments (aspect psychologique) désagréables, dont l’anxiété et la frustration sont les plus fréquentes. »

Le conflit peut donc être externe (une tornade, un rival, un virus…), mais aussi interne (psychologique). Les plus puissants sont d’ailleurs les conflits psychologiques.

Le conflit est intéressant (si votre roman décrivait la vie comme un long fleuve tranquille, le lecteur s’ennuierait vite). Le lecteur s’intéresse donc plus au personnage qui vit du conflit qu’aux autres et il compatit à sa situation. La compassion amène l’empathie. L’empathie fait ressentir au lecteur ce que le personnage vit comme émotions. Il se met à sa place.

Se crée alors une identification forte grâce au conflit.

**Petite parenthèse : il existe aussi des conflits sans identification. Les moments où les méchants sont punis. Là, le lecteur ne s’identifie pas, mais il est soulagé et cela satisfait son besoin de justice.**

Lavandier explique que

CONFLIT = OBSTACLE

Mais pour qu’il y ait obstacle pour le personnage, il faut que celui-ci ait un but, un besoin, un désir, bref un objectif.

Un personnage cherche donc à atteindre un objectif et rencontre des obstacles, ce qui génère du conflit et de l’émotion pour le personnage et de ce fait pour le lecteur.

Voici la base.

femme qui montre émotion amusée

 

3 conditions

Donc selon moi, pour que vos lecteurs ressentent des émotions, il conviendrait de réunir, dans cette logique, 3 conditions :

 

1) Une bonne préparation

Une scène provoque des émotions chez le lecteur lorsqu’elle est bien préparée en amont.

 

A) Connaissance voire attachement au personnage

➡️ Vous est-il déjà arrivé de lire un prologue avec la mort d’un héros ? Si c’est le cas, qu’avez-vous ressenti ? Pas grand-chose, je suppose. Pourquoi ? Parce que vous ne connaissez pas ce personnage, vous n’avez pas eu le temps de vous identifier à lui, de le comprendre et donc vous restez assez extérieur.e à ce qui peut lui arriver, même de pire. Vous ne ressentirez aucune TRISTESSE.

➡️ Si vous parlez d’un amour trahi ou perdu : prenez le temps de montrer à quel point la relation était belle et forte.

 

B) Connaissance de l’objectif du personnage et des enjeux

Que cherche mon personnage, quel est son but, pour quoi va-t-il se battre ? Que craint-il ? Que risque-t-il s’il ne l’atteint pas ?

➡️ Votre héros évalue les 3 ou 4 portes de sortie qui s’offrent à lui s’il est limogé, mais chacune l’amène à une impasse. Quand le courrier de licenciement arrivera dans sa boîte aux lettres, quelle émotion ressentira-t-il et le lecteur avec lui ?

 

C) Connaissance des conséquences

Quelles sont les conséquences de l’événement pour votre héros (positives ou négatives) ?

➡️ Cette lettre de licenciement sonne le glas de tous ses espoirs. Sans emploi, il sait que la banque ne lui accordera pas le prêt qu’il voulait solliciter pour que son fils puisse bénéficier d’un médicament expérimental qui le sauverait. Quelle émotion ressentira-t-il à ce moment-là et le lecteur avec lui, selon vous ?

 

2) Du conflit

Bien entendu, il faut l’ingrédient conflit comme je l’ai expliqué plus haut : que les obstacles soient externes ou internes afin d’impliquer le lecteur.

➡️ Un personnage qui tient bon et lutte pour surmonter ses problèmes sera d’autant plus apprécié par le lecteur qui compatira pour lui.

 

3) Un personnage bien caractérisé et cohérent

Pour que votre lecteur soit attaché à votre personnage, le comprenne, ressente de l’empathie pour lui, votre protagoniste doit être crédible.
Il doit non seulement être creusé (avoir un passé, des fêlures, des faiblesses, des fantômes, certains traits de caractère, etc.), mais aussi être cohérent en toutes circonstances et encore plus lorsqu’il est confronté au conflit.

Sans cela, le lecteur n’y croira pas et vous aura perdu ce fil qui le reliait à votre personnage.

Chaque protagoniste est différent, il a son caractère, son passé, son vécu donc tous les acteurs de votre histoire ne sont pas égaux devant une scène de dispute ou une scène romantique. Ils ne vont pas réagir de la même manière ni faire naître les mêmes émotions chez le lecteur.

➡️ Un homme qui a une enfance marquée par les abandons sera d’autant plus blessé par le départ de sa femme du foyer. Mais ce sera également sûrement beaucoup plus intériorisé. Il encaissera encore ce coup-là en silence, sans savoir comment réagir, trop anéanti pour le faire. Ressentira-t-il même de la SURPRISE ? Alors qu’un autre aurait pu courir après sa femme pour tenter de la récupérer avec mille et un arguments ou excuses.

jeune fille qui montre sa surprise

 

5 techniques

 

Et on peut également ajouter les techniques suivantes pour écrire les scènes pleines d’émotions et qui peuvent vous aider à les transmettre au lecteur. À vous de voir ce que vous voulez utiliser. Il n’y a pas de recette magique. Désolée. À vous de composer VOTRE façon de faire et d’écrire, en testant.

 

1) Une ambiance liée à l’état d’esprit du personnage

Les émotions ne passent pas que par les ressentis de votre personnage, mais aussi par ce qu’il voit (ou ne remarque pas) et décrit.

➡️ Si je caricature, un héros en JOIE verra la vie en rose : les oiseaux chantent, il sera en week-end dans 3 jours, la météo annonce un beau soleil le lendemain, etc. À l’inverse, s’il est d’humeur morose, pour la même journée, il s’agacera de tous ces piaillements d’oiseaux, du fait qu’il lui reste 3 jours à travailler avant le week-end et qu’il ne fasse pas très beau. Vous voyez où je veux en venir ?

 

2) Du show don’t tell (sans oublier les 5 sens)

« Montrer au lieu de dire » dans les moments forts de votre roman permet d’intensifier ces émotions.
Les réactions physiques, la gestuelle, tout ce qui concerne le langage corporel conscient ou inconscient que vous allez décrire va aider le lecteur à se mettre dans les baskets de votre personnage.

➡️ Réactions physiques : Il n’a pas « juste » PEUR. Il a la gorge sèche, les mains moites et le cœur qui bat à 100 à l’heure.
➡️ Réactions physiques inconscientes : Il dit « oui » à voix haute, mais il fait non de la tête parce qu’il ne veut pas de ce job qui va l’enchainer à un bureau 8 heures par jour alors qu’il rêve d’être photographe animalier.

N’oubliez pas les 5 sens
L’utilisation des 5 sens aide votre lecteur à ressentir, dans tous les sens du terme ????, ce que vit votre personnage.

Pour lire l’article complet sur l’utilisation des 5 sens, c’est par ici.

➡️ La nuit d’Halloween, la maison craque, l’odeur de moisi lui donne envie de vomir, une main glacée lui caresse la nuque, mais il prend son courage à deux mains et avance dans le couloir où semblent se tapir mille et une ombres.

 

3) Des pensées intérieures

Faire partager les pensées de votre personnage aide le lecteur à le comprendre, à créer de l’empathie et même à s’identifier à lui. Grâce à cela, le lecteur sait quelles questions il se pose, pour quoi ou qui il s’inquiète, si la situation lui rappelle des souvenirs (bons ou mauvais), ou s’il a peur des conséquences pour son avenir, ce qu’il cache à son interlocuteur ou ce qu’il ressent pour lui (amour, haine, dédain, DÉGOUT…).

 

4) Des dialogues percutants

Dans les scènes qui font naître des émotions, il n’y a pas forcément de dialogues. Encore une fois, ceci n’est qu’une liste d’ingrédients, à vous de faire votre sauce.
Donc, s’il y a des dialogues, penser non seulement à la ponctuation, mais aussi au rythme et à la longueur des phrases, au ton. Parfois, une seule phrase suffit à faire basculer la situation.
« Va, je ne te hais point. » (Pierre Corneille, Le Cid)

Pour lire l’article complet sur les dialogues, c’est par ici.

 

5) Des mots bien choisis qui montrent l’intensité du moment

Les scènes où l’émotion est à son comble véhiculent de l’intensité. Cette intensité doit transparaitre dans le choix des mots.

➡️ Votre personnage en COLÈRE ne parle pas, il hurle.
➡️ Il n’a pas peur, il est terrorisé.
➡️ OK parfois il se tait, et c’est pire encore (peut-être parce qu’il vient de louper sa chance avec la femme de sa vie).

jeune fille qui montre stupeur

 

Quelques trucs en plus

 

* Disséquez vos lectures

Le roman que vous êtes en train de lire vous fait monter les larmes aux yeux ? Essayer de comprendre comment l’auteur met de l’intensité dans son texte, comment il a préparé ce moment, de quelle façon il s’y est pris, comment il a décrit les émotions du personnage.

 

*Pensez au contraste

➡️ Notre pessimiste qui évoque sa journée plus haut, peut aussi s’agacer de voir les autres nager dans le bonheur.

 

*Faites travailler le lecteur par déduction

➡️ Si votre héroïne voit sa vie défiler, vous en tirez assez facilement la conclusion qu’il pense qu’il va mourir.

 

*Utilisez retournement de situation, quiproquo ou occasion manquée

Tous ces procédés nous font passer par les montagnes russes des émotions et ça marche !
➡️ Depuis le début de l’histoire, j’ai partagé les pensées de Sean, je sais qu’il attend des marques d’affection de sa mère. C’est la grosse fêlure dans sa carapace. De son côté, elle est mourante et aimerait lui dire combien elle aime, mais n’y parvient pas. Elle décède finalement sans avoir pu lui donner la preuve d’amour qu’il attend. Cette scène peut être extrêmement émouvante.

Attention
Trouver le juste équilibre n’est pas toujours aisé, mais avec de l’entrainement, on y arrive.
Éviter l’excès d’émotions, sous peine de tomber dans le pathos (j’y reviendrai dans les articles suivants). Le but n’est pas que votre lecteur ait envie de baffer votre héros (OK, la scène aura suscité une émotion, mais pas la bonne, aïe !).

Mais au fait…

 

Quelles sont les 6 émotions de base ?

Je les ai délibérément citées dans cet article en majuscules, les avez-vous repérées ?

Sinon, voici un petit récapitulatif (selon le psychologue Paul Eckmann) :

• La joie
• La tristesse
• La colère
• La peur
• Le dégout
• La surprise

Si vous souhaitez avoir toujours sous la main mes conseils sur ce thème, j’ai créé un guide de 25 pages avec notamment des listes d’exemples sous forme de fiches pour les 6 émotions de base. Pour découvrir ce guide « Comment provoquer des émotions chez vos lecteurs », cliquez ICI.

Merci encore à Aude qui m’a donné cette idée d’article 🙂

Vous pourriez apprécier…

2 Commentaires

  1. Éléonore

    Merci pour votre commentaire, Jean Pierre.
    Le meilleur moyen de progresser, c’est la pratique.
    Oups, pour la coquille, je vais rectifier tout de suite, merci !

  2. Jean Pierre MISSET

    j’ai bu tout cela comme du petit lait…
    j’ai en effet quelques difficultés avec ce registre (doux euphémisme qu’il faut lire: je suis particulièrement nul). Mais je travaille!.

    histoire de montrer que j’ai lu avec attention (si si!) je suggère de relire attentivement la dernière phrase du paragraphe 2) Du show don’t tell. J’aurais bien vu tapir à la place de tapirent

    amicalement,
    JP

Trackbacks/Pingbacks

  1. Auteur : connaissez-vous la puissance des enjeux dans un roman ? - […] Si vous voulez tout savoir sur les émotions : c’est par ici. […]

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *