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Provoquer la colère, la tristesse, le dégoût, la joie, la surprise ou la peur chez votre lecteur : compléments et autres exemples

jeune fille mains en avant

Écrit par Éléonore

16 avril 2020

Je me suis rendu compte que j’avais encore des choses à dire sur ce thème des émotions, déjà traité ici. C’est pourquoi en voici un second, complémentaire, avec notamment d’autres techniques et exemples.

 

En préambule, je rappelle que, selon moi, pour transmettre des émotions à votre lecteur, il convient de :

1) Bien préparer le terrain (le lecteur doit connaître le personnage et s’y être attaché, connaître son objectif et les enjeux, mais aussi les conséquences en cas d’échec ou de réussite)

2) Mettre du conflit dans la scène (conflit ici qui équivaut à l’élément déclencheur de l’émotion)

3) Avoir bien caractérisé son personnage et s’assurer que son comportement soit cohérent

 

Côté technique :
Vous pouvez penser à créer une ambiance, au show don’t tell (sans oublier l’utilisation des 5 sens), aux pensées intérieures (si le point de vue que vous avez choisi le permet), aux dialogues percutants, aux mots exprimant l’intensité de la scène.

C’est sur ces derniers points que je veux revenir plus en détail.

Petite précision encore concernant ce premier article : il ne faut pas confondre sentiment et émotion.

 

Le sentiment est plus complexe et profond, il s’installe sur le long terme, peut évoluer. Il renvoie à l’arc narratif du personnage.

Alors que l’émotion est une réaction physique et psychologique à une situation.

 

Je voudrais aussi ajouter qu’il existe une multitude d’émotions secondaires ou mixtes. Ces dernières sont un mélange de 2 ou 3 émotions de base et elles peuvent aussi dépendre de l’environnement et de la culture (d’ailleurs, certaines émotions mixtes sont difficilement traduisibles d’une langue à l’autre comme le mot portugais « saudade » ou encore le mot japonais « Komorebi »).

Et aussi que chaque lecteur aura une lecture différente de votre texte et donc que vous n’arriverez pas à faire peur, par exemple, à tous vos lecteurs.

Les émotions ressenties lors de la lecture dépendent de plusieurs facteurs : l’humeur du moment, notre attention, notre propre expérience, notre éducation, notre vécu, nos faiblesses, nos peurs et notre sensibilité.

 

Mais ce n’est pour autant qu’il ne faut essayer de faire frissonner votre lecteur ou de lui faire ressentir la tristesse de votre personnage !

Alors, plus concrètement, comment s’y prendre pour faire passer des émotions aux lecteurs ?

Pour aller un peu plus dans le détail et creuser les techniques, je remets les mains dans le cambouis pour vous !

jeune fille qui rit

 

Manifestations physiques, ressentis et pensées du personnage, selon les points de vue

 

Avec un point de vue interne

Vous pouvez avoir recours à différents procédés :

Décrire les manifestations physiques internes

➡️ Peur : les poils qui se hérissent, le cœur qui bat à 100 à l’heure, la gorge sèche, le goût de métal dans la bouche…
➡️ Appréhension : la boule au ventre, les mains moites, les jambes flageolantes…
➡️ Dégoût : réprimer un haut-le-cœur ou une grimace
➡️ Tristesse : Cœur qui se serre, boule dans la gorge, refouler ses larmes

Exprimer les ressentis

Deux sortes de ressentis, psychologiques et physiques.
Attention, si vous utilisez ce point de vue, le personnage ne peut pas se voir.
➡️ Peur : ressenti physique : votre personnage sent la sueur qui coule dans son dos, il se rend compte que ses dents claquent sans qu’il puisse les arrêter, qu’il tremble
➡️ Peur : ressenti psychologique : il peut avoir l’impression d’être épié ou suivi.

Rendre compte des pensées du personnage

Pour cela, ayez bien en tête son but, les enjeux de la situation pour lui et les personnes auxquelles il tient, les conséquences d’un échec ou d’une réussite.

➡️ Peur : Vais-je sortir vivant de cette histoire ? Si oui, je jure de ne plus jamais enfreindre les lois. Est-ce que je pourrais revoir Lise ?

 

Avec un point de vue externe :

Pensez à décrire les manifestations physiques externes

➡️ Surprise : la main sur le cœur, des yeux écarquillés, la bouche ouverte
➡️ Colère : fusiller du regard, éclater, contracter la mâchoire
➡️ Joie : surexcitation, danse de la joie, yeux qui pétillent, large sourire, cris

 

Privilégiez le show don’t tell…

… au simple fait de dire, W a peur, X le surprit, Y le dégoûtait, etc.
Comme vous le voyez, la lecture de ces phrases suscite beaucoup moins d’empathie et donc d’implication de votre part que de montrer avec les exemples ci-dessus la peur, la surprise ou la colère.

 

Pensez à l’ironie dramatique

C’est un gros vecteur d’émotions pendant (frustration ou appréhension) et au moment de la scène de résolution. (Enseignement tiré là encore du livre d’Yves Lavandier, La dramaturgie)

➡️ Dans les livres ayant pour thème une évasion. Le lecteur sait que votre personnage veut s’échapper, les autres personnages l’ignorent et chaque fois qu’un obstacle surgit sur son chemin, le lecteur se demande si, oui ou non, il va réussir (frustration, appréhension). S’il réussit, le lecteur ressent la joie du personnage ou son désespoir s’il échoue.

➡️ Dans les livres d’horreur. Le lecteur sait qu’un monstre rôde, les personnages l’ignorent. Le monstre se rapproche (appréhension), puis attaque (surprise, peur, dégoût parfois).

jeune fille qui a peur et crie

 

Utilisez des images et des comparaisons

Parce qu’elles font travailler l’imagination du lecteur et le marquent.

➡️ « Sa conscience qu’il avait refoulée le plus loin possible dans un recoin de son esprit se débattit soudain, tentant de se libérer telle une bête trop longtemps muselée. »

➡️ « Les fenêtres des maisons prisonnières de la glace, tels des yeux, s’allumaient une à une. »

 

Faites passer les émotions dans les dialogues, la gestuelle lors des relations entre personnages et les non-dits

Le dialogue s’inscrit dans l’histoire et forme un tout avec le non verbal et les silences. N’hésitez pas à jouer vos dialogues dans votre salon, pour de vrai. Pour voir s’ils sonnent juste et quels gestes vous associez aux mots. Ensuite demandez-vous, si votre personnage ferait de même. Et si non, ce qu’il ferait, lui, dans pareille situation. Essayez de visualiser son visage, ses micro-expressions, ses mains, etc. Ensuite, sélectionnez 2 ou 3 signes caractéristiques de son état d’esprit. Ceux les plus à même de marquer votre lecteur et de lui faire part des émotions de votre protagoniste.

➡️ « – Aurais-tu offensé la Nature, Aklavic ?
L’expression de mon visage suffit. Elle porta ses mains à sa bouche comme pour s’empêcher de crier et se laissa tomber dans un fauteuil près du feu. Après un temps, elle reprit d’une voix étouffée, pleine d’émotions. »

➡️ « – Qu’est-ce qui t’arrive, Odette ? On dirait que tu as vu un fantôme.
– Si c’était que ça, répliqua-t-elle sèchement, ponctuant sa phrase d’un claquement de langue agacé en direction de l’intruse. Il m’est arrivé un truc pas piqué des vers, il faut que je te raconte. Seule à seule, ajouta-t-elle en lançant le menton vers Hélène.
Signe de nervosité extrême, elle se tordait les doigts, encore et encore. »

(Si les dialogues vous posent problème, je vous conseille cet article, qui vous expliquera comment les améliorer facilement.)

 

Mettez de l’intensité dans les mots

Chaque mot est important et doit être choisi avec soin pour indiquer le degré d’intensité de l’émotion que vous voulez exprimer à travers votre personnage :

➡️ « Affichant la mine renfrognée du gamin qui s’est fait prendre, il rugit :
– Mais qu’as-tu fait ?! »

➡️ « Les mots moururent sur ses lèvres, ses yeux brillèrent d’une lueur de sagacité horrifiée. – La garce…
Voilà, elle avait compris. Malgré ses presque quatre-vingts ans, elle pigeait vite. »

 

Placer des détails pour ancrer le personnage dans la réalité

Les personnages ne sont pas en 2 dimensions, ce ne sont pas que des corps, ils ont une maison, des objets, des vêtements préférés, des cicatrices, une bibliothèque, etc. Chacun de ces détails en dit long sur votre protagoniste, mais surtout lui donne une épaisseur, une réalité. Et c’est cette impression de réalité qu’il faut rechercher pour permettre l’identification, l’empathie et donc aider le lecteur à se mettre à la place de votre héros et à ressentir ses émotions.

➡️Tristesse, nostalgie : « Comme souvent, elle était lovée sur le canapé avec le doudou-lapin tout râpé de Gabriel. Elle qui, avant le drame, grimaçait quand il lui mettait sous le nez, en humait à présent chaque centimètre carré pour en extraire quelques effluves évanescents, rappel de ce passé heureux qui lui manquait tellement. Comme elle aimerait remonter le temps. »

➡️ « Les doigts de Sylviane se crispaient autour du mug en faïence orné de fleurs de muguet. »

 

Et essayer d’éviter les clichés

Vous savez, ces expressions figées déjà lues des dizaines de fois. À la place, tentez de créer les propres expressions et images de vos personnages. Cela concourra à leur donner une « voix » particulière, à les rendre réels.

➡️ Clichés : Un ange passe (dédicace spéciale à CB !), manquer cruellement de, avoir une faim de loup, maigre comme un clou, prendre ses jambes à son cou…

➡️ Expressions personnalisées (thème de la nature) : « vieille branche », « ressemble à un bourgeon chétif. »

jeune fille qui se méfie

 

Quelques conseils encore pour finir

 

Observez vos propres réactions et prenez des notes

Vous avez déjà ressenti toute la palette des émotions.
La dernière fois que vous avez eu peur, par quelles manifestations physiques cela s’est traduit ? Comment avez-vous réagi après coup ? Qu’avez-vous dit ?

 

Servez-vous de vos propres expériences et souvenirs (ou interrogez vos proches)

Si vous avez déjà vécu une rupture amoureuse, vous vous souvenez sûrement dans quel état vous étiez, quelles répercussions cela a eues sur votre moral, les questions que vous vous êtes posées, votre état d’esprit à ce moment-là (colère, tristesse, rancune, etc.).
Si vous n’avez pas vous-même vécu la situation dans laquelle vous avez mis votre personnage, pas de panique. Interrogez des proches !

 

Trouvez des ressources

Et si le cas de figure est vraiment très spécial : trouvez des livres, articles, reportages, témoignages qui évoquent la situation dans laquelle vous avez mis votre protagoniste.

 

Allez, hop, au boulot !

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