Ironie dramatique VERSUS Mystère & Secret

*Vous avez du mal à vous décider entre les deux ?

*Vous pensez que garder le secret et écrire une révélation tonitruante, c’est ce qui marche le mieux avec le lecteur ?
*Au contraire, vous pensez que les révélations, c’est surfait, vous préférez vous mettre votre lecteur dans la poche et le laisser rire aux dépens de votre personnage ou avoir peur pour lui alors que lui ne sait rien ?

Pas si simple de choisir.

Et si on voyait les avantages et les inconvénients de chacun d’eux ?

Ainsi vous pourrez décider en conscience du meilleur choix à faire pour votre histoire.

Ironie dramatique

Définition

Selon Yves Lavandier :
L’ironie dramatique est un procédé qui consiste à donner au spectateur une information qu’au moins l’un des personnages ignore, donc à donner au spectateur de l’avance par rapport à un personnage ou à plusieurs. L’ironie dramatique comprend trois phases : installation, exploitation, résolution.

➡️ Titanic : les spectateurs savent que le bateau va heurter un iceberg et couler, pas les passagers.

➡️ Truman Show : les spectateurs ainsi que tous les personnages du film savent que Truman est le héros involontaire d’une émission de télévision, pas Truman.

➡️ Tous les épisodes de Columbo : les spectateurs savent qui est le coupable et comment il s’y est pris pour tuer, pas l’inspecteur.

➡️ Un jour sans fin : les spectateurs et Phil savent que la même journée recommence inlassablement, les autres personnages l’ignorent.

Comme, on le voit dans ces exemples, la victime de l’ironie dramatique peut être le personnage principal (Truman) ou les autres protagonistes à l’exception du héros (Un jour sans fin) ou un seul personnage (Columbo) ou aucun d’eux (Titanic).

Parfois la victime est plus ou moins consciemment consentante, elle préfère de pas voir les signes d’une infidélité alors que le spectateur la voit et la reconnait.
Cela donne une profondeur aux personnages victimes dans ce cas.

Parfois, l’ironie dramatique peut être diffuse : c’est-à-dire que le spectateur sent / comprend / devine quelque chose que certains personnages ne sentent / devinent/ comprennent pas.

➡️ Quand vous lisez un livre et que la situation initiale est idyllique, vous savez que cela ne va pas durer, simplement parce que c’est le propre du livre de vous emmener sur des chemins conflictuels.
Yves Lavandier en donne un autre exemple dans cette courte vidéo : ici.

Les 3 phases de l’ironie dramatique : installation / exploitation / résolution

Lors de l’installation, le spectateur apprend l’information qu’au moins l’un des personnages ignore.

L’exploitation met en scène les conséquences de l’ironie dramatique.
Elle peut engendrer beaucoup de tension pour le spectateur, comme avec le film la Main sur le berceau où l’on sait que la nourrice veut s’approprier le bébé dont elle a la garde pour se venger. C’est glaçant.
Je n’ai pas arrêté de me demander quand les parents allaient se rendre compte des manigances de la nourrice et à quelle occasion. Quel stress, quelle frustration !

La résolution correspond au moment où le personnage ignorant prend connaissance de l’information : c’est pour lui le temps de la révélation.
Cette scène est attendue et indispensable pour que l’ironie dramatique prenne toute sa saveur. Le spectateur / lecteur attend de voir comment va réagir le personnage et quelles conséquences va entrainer cette révélation.

Courte et intense, la scène de révélation peut apporter beaucoup d’émotions, car elle est souvent synonyme d’identification forte et génératrice d’empathie.

Elle peut être attendue avec espoir, mais également avec frayeur (comme dans les Dents de la mer quand les touristes se baignent en toute innocence).

Avantages

*Il est très agréable pour le spectateur ou le lecteur d’être dans la position de celui qui sait, qui a un avantage. Il est assez jubilatoire d’être dans la confidence alors que d’autres ne le sont pas.
*L’auteur fait de son lecteur son complice. Il l’implique dans l’histoire.
*Le spectateur / lecteur attend la résolution et l’auteur peut le faire alors passer par toute une palette d’émotions (sourire de connivence ou frissons, entre autres).
J’en parlais justement dans cet article sur les émotions : Provoquer la colère, la tristesse, le dégoût, la joie, la surprise ou la peur chez votre lecteur.

Inconvénients

*Impossible de se passer de la scène où le héros apprend l’information manquante. Ce serait gâcher tout le procédé mis en place. Un peu comme si vous mettiez une belle tarte aux fraises sous les yeux du lecteur, mais que vous ne le laissiez jamais y goûter.
*L’ironie dramatique est un procédé qui demande à être bien identifié dans son histoire afin de pouvoir l’exploiter efficacement.
*En donnant une information au lecteur, ne lui gâche-t-on pas la surprise ?

Parenthèse : la notion de surprise

Lavandier distingue les 3 notions : ironie dramatique, surprise et mystère.
Je ne me suis pas attardée sur la notion de surprise, mais pour illustrer simplement la différence, imaginez que le héros de l’histoire au volant de sa voiture soit suivi.
Il ne sait pas qu’il est suivi, mais le spectateur / lecteur le sait (ironie dramatique).
Pour autant, le spectateur / lecteur ne sait pas qui le suit, ni pourquoi (mystère).
Plus tard, le spectateur / lecteur apprend que le héros savait qu’il était suivi (surprise).

Mystère & Secret

Définition

Mystère : procédé qui consiste à faire comprendre au lecteur qu’il n’a pas toutes les pièces du puzzle. Cette technique crée une curiosité intellectuelle et de la frustration.
La révélation du mystère est attendue par le spectateur / lecteur, ce n’est donc pas une surprise à proprement parler. Lavandier parle d’un éclaircissement.

En d’autres termes : l’auteur dit à son lecteur : j’ai une information secrète et je ne vais pas vous la donner tout de suite.

Avantages

*Il peut créer une surprise voire un coup de théâtre lors de la révélation.
*Ce qui est quand même très positif et gratifiant pour le lecteur.
*Cela dynamise en général l’intrigue qui repart sur de nouvelles péripéties dues à cette révélation.

Inconvénients

*Le lecteur est ignorant.
*De fait, l’auteur met le lecteur à distance. Il l’exclut si on veut du jeu alors que l’ironie dramatique l’invite à participer.
*Le mystère suscite une grande curiosité de la part du lecteur donc sa révélation se doit d’être à la hauteur. Et ce n’est pas toujours le cas. Qui ne s’est jamais exclamé « Tout ça pour ça ! ».
*Trop de mystère tue le mystère. Le mystère peut devenir lassant. Le spectateur / lecteur peut se désintéresser de l’histoire.
*À trop vouloir faire durer le mystère, l’auteur finit parfois par faire de mauvais choix (de la rétention d’informations par exemple) juste pour garder le mystère entier jusqu’au bout du roman. Or plus l’attente est longue, plus elle réclame un prix élevé.

Conseils

*Le mystère est une technique narrative intéressante à avoir dans sa boite à outils d’auteur. Mais ne l’étirez pas comme un élastique, il pourrait ne pas résister et vous claquer à la figure.
*D’une manière générale, le mystère semble mieux fonctionner sur une courte période.

Le must (selon moi)

Mettre les trois dans l’histoire : la surprise amène une touche d’inattendu toujours bienvenue, la révélation du mystère amènera un éclaircissement gratifiant aux lecteurs tandis que l’ironie dramatique apportera une tension, des émotions et une connivence.
C’est personnellement ma combinaison préférée 🙂

Alors, avez-vous fait votre choix ?

👉 Les techniques et secrets pour améliorer votre roman et le passer au niveau supérieur vous intéresse ? Jetez un oeil ICI.